Sortir : C'est quoi tes premiers souvenirs reggae ?
Balik :
Un peu comme beaucoup d'entre nous, ça remonte à l'adolescence chez mes parents, et des classiques dans leur discothèque comme Bob Marley ou Burning Spears... Y'a ma grande soeur aussi, qui avait un album d'Israel Vibration. Derrière, j'ai écouté pas mal de choses, avec d'abord les artistes de l'ancienne génération, jamaïcain, anglais, américain, puis les groupes issus de la nouvelle école, français notamment, avec Sinsemilia ou Raggasonic... En fait, j'ai toujours eu cette musique en moi, et au moment de monter un groupe, vers 17 ans, ça a forcément été le reggae.

Sortir : Et alors, ça s'est passé comment ces débuts ?
Balik :
Comme tout le monde, tout du moins plein de petits groupes, on a commencé par les répét' dans le local associatif du coin, les premières reprises de Bob Marley, les premières chansons qu'on a essayé d'écrire, les premiers concerts en MJC : on en a fait 3 la première année, puis 10 la deuxième, 12 la troisième... on a fait les choses de fil en aiguille, avec notre temps. Le concept, c'est de faire de la musique populaire, mais avec une culture underground, il a fallu le temps que ça arrive à l'oreille des gens. On a aussi fait pas mal de concerts sur les plages où l'on distribuait nos enregistrements, et puis un jour, on a reçu un coup de fil d'une asso locale qui nous avait remarqué et voulait monter un concert... Petit à petit, on a commencé à jouer dans d'autres salles, et puis ç'a été le tourneur et des petits concerts à droite à gauche pour nous tester. Ç'a été vraiment crescendo, rien n'a changé du jour au lendemain.

Sortir : Faut dire que ça passe plutôt bien le reggae en France...
Balik :
La France a toujours été une terre d'accueil chaleureuse pour le reggae, notamment étranger, anglais ou jamaïcain... Y'a qu'à voir Groundation, tout le monde connaît en France, à chaque concert, ils ont un accueil de ouf ! D'ailleurs, il bosse avec Music Action, comme nous, ça nous a rapproché. À l'inverse, les Français ont un regard différent sur le reggae français, jugé plus sévèrement... en même temps, ils ont donné le bâton pour se faire battre : à l'image du rap ou du hip hop, y'a beaucoup de bonnes choses, mais aussi beaucoup de choses plus "faciles", des gens qui font attention à ce qu'ils disent et d'autres davantage dans le bling bling, qui ne réfléchissent pas au message. Dans le reggae, y'a eu quelques raccourcis, genre "fumer la ganja", des choses ridicules qui ont sali le truc, en tout cas c'est ce qu'il se dit avec les autres groupes. Nous, on veut pas tomber dans ces trucs-là, rester fidèle à notre truc.

Sortir : Justement, c'est quoi le message chez vous ?
Balik :
Le message ?... Je me sens toujours un peu destabilisé avec cette question, même si elle revient systématiquement : le message, il est dans les chansons, elles sont là pour ça. On cherche pas à être engagé, on est ce qu'on est, ce qu'on ressent. On y trouve également des portraits, des gens dont on souligne le passage sur Terre, dont le travail est encore mis en avant aujourd'hui, il y a des points de vue sur la société, les relations entre les gens, la justice, l'injustice, un peu tout ça quoi !... En fait, y'a pas de règles, c'est la musique qui donne le texte.

Sortir : Et comment vous abordez le succès du dernier album ?
Balik :
Ça a évolué tellement au jour le jour, j'ai pas vraiment conscience le matin au réveil comme quoi un truc a changé. Par contre, on voit que les gens viennent au concert, on s'inquiète moins pour la fréquentation des salles, notamment en France, en Suisse ou en Belgique, où l'on commence à avoir un noyau de public fidèle... C'est génial, touchant et réconfortant, on se dit qu'on a bien fait de poursuivre notre route depuis 10 ans. D'ailleurs, on nous aurait dit ça au début, on aurait eu du mal à le croire : aujourd'hui, c'est vrai qu'il y a une reconnaissance populaire, qui a amené derrière une reconnaissance médiatique... Même les radios accrochent suffisamment pour qu'on existe dans le paysage musical contemporain, ça nous pousse pour la suite, ça nous met la pression aussi, en nous obligeant à remettre tout ça en question.

Sortir : Vous avez d'ailleurs pas mal voyagé pour cet album...
Balik :
Ouais, l'album, c'est un peu le carnet de route de l'année 2010 : on a été enregistré à Kingston, dans les studios Tuff Gong, puis on a enchaîné sur le Mali, et puis des concerts, des festivals, avant de revenir au Mali. Du coup, y'a eu beaucoup de rencontres et de magnifiques moments, avec U-Roy notamment, les McAnuff père et fils... Et au final ça donne des textes plus personnels, portés sur les sentiments.

Sortir : Un succès confirmé également sur scène, avec notamment l'Olympia rempli...
Balik :
Ouais l'Olympia en 2009 et puis le Zenith aussi cette année. Ces gros concerts, c'est un peu notre challenge, nos dates de l'année, des trucs sur lesquels on bosse pendant des mois... le Zenith, ç'a été deux heures de concert avec plein d'invités, un truc inoubliable, sans comparaison avec le reste. Là, ça fait 3 ans qu'on arrête pas de tourner, ça se termine le 16 décembre, pour une première grosse coupure jusque fin mars : ça va nous permettre de prendre du recul et de réfléchir à la suite.