Un monstre pour 13

« Tout le monde en place ! » La voix tranquille de Dominique Pitoiset (le directeur des lieux) sonne doucement l’alerte : « On a du travail pour réduire ce gros monstre ! » La bête ? Merlin ou la terre dévastée, une pièce de Tankred Dorst, pour le coup premier spectacle professionnel de ces treize bouts d'artistes qui « passent leur vie dans l’école et le théâtre ».
En guise de salle de classe donc, la scène brute du TnBA, idéale pour « faire ses gammes » et ne pas « sortir trop vite à la lumière » car « avant d’être génial, il faut être un bon artisan ». Dans l’ombre, un programme chargé, entre technique, ateliers d’interprétations et modules théoriques, car même si Pitoiset a du mal à les appeler « étudiants », ils valident, en plus de leur formation au théâtre, une licence Arts et Spectacles.

« On a eu les yeux plus gros que le ventre » reconnaît le directeur en évoquant le « chef-d’œuvre » de Dorst : « un texte qui relie les légendes arthuriennes » au destin tragique de l’ex-RDA (dont est issu l’auteur). Point commun, la question de l’utopie. Aujourd’hui, ils tentent d’esquisser une réponse à travers la danse, le chant, les claquettes (une spécificité des cours de l’Estba) et (bien sûr) le théâtre.
Et c’est avec une fraîcheur décapante qu’ils (re)donnent vie à Merlin, Arthur, Lancelot, Guenièvre et les autres, ré-animant la Table Ronde grâce à des chaises en paille et un cercle blanc tracé à  la craie sur la scène dépouillée du TnBa. L'enthousiasme échouera toutefois au pied d’un triste constat : l’échec des utopies, en fait le vrai point commun (et le vrai sujet de la pièce) entre les légendes celtiques et l'Europe du XXème siècle... Difficile à avaler, forcément.