L’Abattage rituel de Gorge Mastromas

La vie de Gorge, un loser de récré qui devient l’un des patrons les plus puissants du monde, est un conte noir et corrosif de l’auteur londonien Dennis Kelly, maître incontestable de la construction dramatique. Maïa Sandoz s’empare avec brio de cette pièce qui pose la question de la place de la morale dans nos vies, dans nos choix.

En fine connaisseuse de la langue acérée et intransigeante du britannique Dennis Kelly, elle nous fait partager à Angers son projet de création d’après le dernier texte de l’auteur.

Gorge Mastromas hésite entre bonté et lâcheté jusqu’au jour où il découvre que l’on peut tout avoir par le mensonge. Tout ? Tout, sauf peut-être l'essentiel… Lauréate du prix Impatience en 2014, avec Orphelins de Dennis Kelly, la metteuse en scène Chloé Dabert s’empare du nouveau texte de l’auteur londonien, L’abattage rituel de Gorge Mastromas, dans une traduction de Gérard Watkins.

« Regardez ces idiots. Regardez ces crétins. Pourquoi sont-ils si bêtes ? Pourquoi ils ne prennent pas ce qu’ils veulent vraiment, comme nous ? » Durant sa jeunesse, dans les situations de doute, Gorge a toujours fait ce qui était convenable du point de vue moral. Mais il n'a jamais été récompensé, considère-t-il, à sa véritable valeur. Son adolescence a suivi un cours bien réglé, sans vagues ni tempêtes, ne dépassant jamais la moyenne. Seul son nom, qui rappelle Jules Verne, demeure comme une promesse encore en suspens. Soudainement, opportunément, à la vingtaine bientôt passée, tandis que son employeur est au bord de la ruine, une chance unique s'offre à Gorge… Il s'en empare pour, enfin, faire partie du camp des vainqueurs. Il devient alors un impitoyable menteur, ne s'embarrasse plus des convenances, et s'approprie ce qui lui plaît, jusqu'à devenir un des chefs d'entreprise les plus prospères du monde. Il ment et s’épanouit scandaleusement dans la logique opportuniste du système qui l’entoure, possédant tout, le pouvoir et l’argent. Tout sauf une femme, sa collègue Louisa, qu’il désire âprement et qui lui résiste. Pour la conquérir, il fait mine de se ruiner volontairement parce que, peut-être, au fond de lui-même, il y aurait une faille… Rien ne semble perturber cet échafaudage mensonger savamment élaboré, hormis la visite inopportune de son frère, trahi par la publication de mensonges éhontés sur le passé familial. Animé par l’obsession de sauvegarder son statut et sa réputation, Gorge ne voit pas d’autre moyen que de l’assassiner… Familière de l’oeuvre de Dennis Kelly, entourée de son équipe d’acteurs, Marie-Armelle Deguy, Sébastien Eveno, Arthur Verret, Bénédicte Cerutti, Gwenaëlle David, Olivier Dupuy et Julien Honoré, Chloé Dabert nous invite à traverser cette épopée sans manichéisme. Elle s'empare de la langue acérée de Dennis Kelly pour s'interroger sur nos sociétés modernes et sur la place que peut y trouver l’individu, ce qui le construit, ce qui le pousse à faire un choix plutôt qu’un autre, et jusqu’où il est capable d’aller…
Auteur de nombreuses pièces jouées et traduites dans le monde entier, élu meilleur auteur étranger par le magazine Theater Heute en Allemagne en 2009, créateur et producteur de la série télévisée Utopia, Dennis Kelly, se livre dans ce texte, au-delà de l’histoire, du récit, à une fine et désarmante autopsie de l'égoïsme néolibéral.

DE DENNIS KELLY
MISE EN SCÈNE CHLOÉ DABERT