VINCENT LE TEXIER, ANCUZA APRODU

Quelles correspondances tisser entre les adieux de Wotan à sa fille Brünehilde, point central de la Tétralogie de Wagner, et le monde du Lied ? En quoi les textes mis en musique par Schubert font-ils écho à ce dont nous parle ce chef-d’œuvre hors dimensions ?

Voici les questionnements qui sont à la base de la construction de ce récital. La réalisation impossible du désir d’Alberich pour les filles du fleuve, gardiennes de l’or, peut évoquer le sentiment de trahison qui obsède le nain de Der Zwerg de Collin. Wotan, lui, malgré les avertissements d’Erda, est prêt à tout pour réaliser son aspiration au changement, cette fuite en avant qui s’exprime haut et fort dans l’invocation chez Goethe du dieu du Temps et de la Destinée (An Schwager Kronos). L’errance du dieu borgne dans Siegfried le fait entrer dans la lignée des Wanderer, thème récurrent et obsédant du romantisme germanique et notamment de l’œuvre vocale de Schubert. La tendresse de Wotan pour sa fille au moment de la plonger dans le sommeil pour de longues années se reflète dans celle du père pour son fils dans Der Vater mit dem Kinde ; la révolte d’Alberich et la désobéissance de la Walkyrie, dans le défi lancé par Prometheus à Zeus chez Goethe ; l’exaltation de Brünehilde, dans le Ganymed de Goethe. Plus qu’à un récital, c’est à un concert de musique de chambre en forme de sensible jeu de correspondances entre Wagner et Schubert que nous invitent Ancuza Aprodu et Vincent Le Texier, dans ce concert hommage aux thèmes immortels du romantisme allemand.